« (...) [ces] personnages de la scène médiatico-politique qui (...) miment la figure et le rôle de l'intellectuel (...) ils ne peuvent donner le change qu'au prix d'une présence constante dans le champ journalistique (...) et y importent des pratiques qui, en d’autres univers, auraient pour nom corruption, concussion, malversation, trafic d’influence, concurrence déloyale, collusion, entente illicite ou abus de confiance et dont le plus typique est ce qu’on appelle en français le "renvoi d’ascenseur" ». Pierre Bourdieu, « Et pourtant », Liber n°25, décembre 1995.

dimanche 25 septembre 2011

Perdre sa vie à la gagner (17).

Article de Caroline Garnier vu sur le site de l'union le vendredi 16 septembre 2011:























"ASSISE sur le banc aux côtés de ses enfants, Angélique et Benjamin, Sandrine Pader est désabusée, choquée par les propos qu'elle vient d'entendre. À la douleur d'une famille qui a perdu un mari ou un père, dans un tragique accident du travail sur les quais du champagne Mercier en 2007 (Moët & Chandon), s'ajoutent des affirmations qu'ils ne peuvent supporter.
Me Pascal Grosdemange, avocat des consorts Pader, n'en croit pas ses oreilles. « Personne n'est désolé, personne ne s'excuse dans cette affaire. On est même limite à dire que c'est sa faute à lui, Jean-Luc Pader, parce qu'il n'avait pas sa ceinture de sécurité. On inverse les rôles. Pourtant, les faits sont là : il n'y avait pas de protocole de sécurité avec le transporteur sous-traitant, il n'y avait pas de plan de circulation. On parle de manquements graves aux règles de sécurité, qui ont conduit à la mort d'un homme ! »
Cariste chez Mercier depuis 1983, Jean-Luc Pader, 46 ans, reconnu comme « un homme responsable », est décédé le 27 juillet 2007, percuté par un poids lourd (l'union des 28 juillet 2007 et 14 septembre 2011).
Mercredi soir, lors de l'audience correctionnelle qui se tenait à Châlons-en-Champagne pour homicide involontaire, la famille attendait des réponses, des excuses. Seul Bernard Decottignies, directeur des opérations chez Moët & Chandon, prévenu pour « homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail », réaffirme sa « tristesse », s'associant à la « douleur de la famille ».

La famille atendait des réponses et des excuses


Pas un mot de regret, en revanche, du côté du chauffeur Mathieu Guillet, 19 ans au moment des faits. « Je circulais à 22 km/h. Le tracteur s'était déjà engagé. Jamais un cariste n'avait déboulé comme ça. Il n'y avait pas lieu de voir surgir un véhicule comme ça sur moi. » Des propos révoltants pour la famille qui n'a pu que revivre la scène, une nouvelle fois.

Mercredi pendant plus de trois heures, le tribunal a ainsi décortiqué la scène du drame. Les rôles, les emplacements, les responsabilités de chacun… Rien n'a été laissé au hasard.
Pour le substitut du procureur, Anne Guerin, la responsabilité du chauffeur ne fait aucun doute. Elle est caractérisée. Il aurait manqué de « prudence ». Tout comme la responsabilité de l'employeur, représentée par Bernard Decottignies, à qui l'on reproche des manquements graves aux règles de sécurité : une absence de protocole de sécurité avec le transporteur sous-traitant, une absence de plan de circulation sur le site.

Un site dangereux


« On a réglé la situation a posteriori, a fustigé l'avocat de la famille Pader. On a mis des stops, des limitations de vitesse. On a matérialisé le stationnement…
Dans cette affaire, on a privilégié la rentabilité à la sécurité. Cela a conduit à la mort d'un homme… Et pourtant, tout le monde l'a dit : ça devait arriver un jour ! Les salariés entendus ont tous indiqué que le site de la rue de Verdun était dangereux, inadapté et trop petit. Qu'il fallait être sans cesse sur ses gardes. »
Pour le substitut, « c'est un décès qui découle de plusieurs fautes. Le document qu'on nous a montré est tout, sauf un plan de circulation. Il ne correspond même pas à la situation réelle. Il n'y avait pas non plus de protocole de sécurité avec l'entreprise de transport sous-traitante… C'est une accumulation de négligences de la part de l'employeur. Ce n'est pas une imprudence, c'est une faute caractérisée qui a conduit à la mort d'un homme ».
Et de requérir 8 mois de prison avec sursis contre Bernard Decottignies et 3 mois avec sursis contre Mathieu Guillet. L'affaire a été mise en délibéré au 30 novembre.

Caroline GARNIER"

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