« (...) [ces] personnages de la scène médiatico-politique qui (...) miment la figure et le rôle de l'intellectuel (...) ils ne peuvent donner le change qu'au prix d'une présence constante dans le champ journalistique (...) et y importent des pratiques qui, en d’autres univers, auraient pour nom corruption, concussion, malversation, trafic d’influence, concurrence déloyale, collusion, entente illicite ou abus de confiance et dont le plus typique est ce qu’on appelle en français le "renvoi d’ascenseur" ». Pierre Bourdieu, « Et pourtant », Liber n°25, décembre 1995.

jeudi 29 novembre 2012

Hommage à Laurent Joffrin, combattant de l'indépendance.

Le 28 novembre 2012 sur le site du NouvelObservateur Laurent-Joffrin-Directeur-du-Nouvel-Observateur rend hommage à Erik Izraelewicz, le directeur du Monde défuncté le 27 novembre 2012.

Il suffit de remplacer "Erik Izraelewicz" par "Laurent Joffrin" pour lire le portrait que Laurent Joffrin aimerait pouvoir lire le jour de son arrivée au paradis des barbichus à scooter.

"Pour nous, c'était "Mouchard". Nous avions débuté au même moment et nous nous croisions ici et là, journalistes débutants, fascinés par ce métier bizarre et exaltant. Dans ce petit monde souvent brusque, conflictuel, Laurent Joffrin [son vrai nom étant Mouchard] se distinguait par sa finesse, sa courtoisie, sa tolérance, son humour à l'anglaise, pétri d'ironie généreuse et de simplicité. Il se distinguait aussi par sa culture, son gai savoir de tête bien pleine tournée sur le vaste monde, maîtrisant aussi bien les théories touffues de l'économie que son actualité la plus immédiate. Mouchard parlait vite et doucement, débrouillant les dossiers les plus complexes avec une agilité rare, soulignant ses conclusions toujours brillantes d'un sourire en coin et d'un regard amusé, avec la mimique espiègle de celui qui ne se prend pas au sérieux.
Cette gentillesse distante cachait un vrai caractère. Parvenu au stade des responsabilités, il a toujours assumé les siennes avec droiture, dirigeant ses équipes successives sans élever la voix mais avec une tranquille détermination. (...) L'homme de plume se double d'un homme de principes. De motion en assemblée générale, de communiqué en confrontations, le rédacteur en chef est aussi un militant qui défend se toute son âme ce qu'il croit juste pour son métier. (...) un symbole pour cette profession qu'on accuse à tort de se courber devant les puissants.
Mouchard pratiquait un journalisme d'idées, tissé de faits vrais et recoupés, mais aussi d'une réflexion permanente sur les basculements du monde, qu'il consignait de loin en loin dans ses livres. Aussi quand il faut trouver un directeur pour aider "Le Nouvel Observateur" à se relancer après une crise fiévreuse, il est le candidat tout trouvé pour apaiser les blessures, organiser la reconquête et moderniser le titre. Mouchard est mort au travail, auquel il consacrait l'essentiel d'une vie secrète et pudique. Au bout du compte, on ne sait pas tout à fait qui il était, tant il refusait toute intrusion dans sa vie privée. Mais on sait ce qu'il a fait et qu'il a bien fait. Acharné et souriant, il a servi avec finesse deux justes causes : celle de l'information et celle de l'intelligence."

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